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📸+🍅+📊 Réaliser une photoviz : les 5 conseils de Jules Grandin, éditorialiste graphique aux Echos

Depuis plusieurs années, “Les Echos” est l’un des rares média français à proposer des photovisualisations, cette technique qui consiste à créer des graphiques avec de vrais objets photographiés. Des Mikados pour le cours du cacao, du comté pour les exportations de fromage, des smarties pour Blackrock… Comme les aliments sont souvent au cœur de ces mises en scène, nous sommes allés demander à Jules Grandin ses 5 conseils pour réussir une « photoviz ».

1. En photoviz, la forme prime sur le fond 🎈

“C’est un équilibre complètement inversé par rapport à notre travail habituel. Normalement, nous sommes focus sur des questions du type : est-ce que ces données sont originales, est-ce qu’elles sont granulaires ? En photoviz, le sujet lui-même peut être assez basique, mais le fait de le traiter dans ce format lui donne immédiatement une dimension visuelle et mémorable. Les gens réagissent à l’objet, pas forcément aux chiffres.

Prenons un exemple : pour la photo sur les smarties de Blackrock, nous avions rebondi sur le terme employé par Agnès Pannier-Runacher, alors secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, lors d’une interview où elle avait affirmé que la France pour Blackrock, c’était l’équivalent d’une boîte de smarties. Histoire de dire que le marché français, c’était rien pour eux... Nous avons pris cela au mot et donc fait une photoviz… en smarties. Le graphique a cartonné parce qu’on l’a sorti très vite après sa déclaration.

2. Imprimez à l'échelle et ne trichez jamais 🖨️

Pour assurer la bonne répartition des éléments sur une double page et le respect des proportions, la technique infaillible, c’est de réaliser la maquette avec les graphiques, puis de l’imprimer à l’échelle réelle. Je mesure ensuite tous les éléments pour trouver les aliments à la bonne taille ou dans les bons dosages. Je viens poser tous les aliments dessus. Une fois que c’est bon, je vire la feuille en dessous et je prends la photo ! Nous pourrions tricher en détourant les photos et en les redimensionnant dans Photoshop, mais pour moi, ça enlève tout l’intérêt et toute la poésie de cette production. Par exemple, pour la série d’été sur les tomates, il faut imaginer les infographistes des Echos, règle et mètre-ruban en main, en train de mesurer les tomates sur les étals du marché, cherchant des spécimens de 11, 6 ou 2 centimètres, sous le regard circonspect des commerçants !

Après la prise de vue, la seule retouche photo que l’on s’autorise, c’est celle classique de la post-production sur les lumières, comme n’importe quelle photo qui est publiée dans le journal.

3. Attention aux pièges : tous les aliments ne sont pas vos amis 🍭

Le grand mensonge de la photoviz, c’est que certaines idées paraissent ultra-simples alors qu’elles sont au final presque impossibles à réaliser, car il faut anticiper la texture de l’aliment, sa tendance à rendre de l’eau, à noircir, à être périssables…

🍌 Les bananes : là, c’est la galère avec l’oxydation. Les bananes tranchées deviennent marron très vite, surtout quand il fait chaud. Il faut frotter des citrons dessus pour ralentir le brunissement. Marrant, mais chronophage.

🌭 La moutarde : on s’attendait à quelque chose d’assez facile car ça se sculpte bien avec un pinceau, un peu comme de la peinture. Mais au final, on se retrouve avec des nuances de jaune, un peu de marron, de caca d’oie quasiment… Pas forcément très appétissant. Il a donc fallu ajouter du décor : une nappe à carreaux, des frites pour dynamiser l’ensemble.

🍚 Le riz : c’est l’exemple parfait de la catastrophe industrielle. Nous voulions faire un treemap en riz. Cela paraissait évident, nous n’avions qu’à coller du riz à la bombe de colle sur de la toile de jute. C’était une boucherie, ça ne marchait pas du tout. Heureusement, les trésors d’ingéniosité de Marie Toulemonde, notre stagiaire de l’époque, ont sauvé la situation : elle a créé des petites boîtes contigües en carton-plume pour chaque case du treemap, qu’on a remplies de riz de couleurs différentes pour symboliser les continents. Une fois terminé et photographié, on a mis quelques jours à se rendre compte… que les données étaient fausses et qu’il fallait tout refaire !

🍫 Le chocolat : en été, ça fond. Point. Il faut travailler vite ou avoir la clim à fond dans le studio.

💧 L’eau : on s’est interrogé pendant des jours sur comment faire de la photoviz avec de l’eau. On a même pensé acheter des aquariums ! Au final, nous sommes revenus à la solution la plus simple : des bouteilles d’eau en plastique dont on a enlevé les étiquettes, et qui ont un beau rendu quand on fait passer de la lumière à travers.

🍅 Les tomates : il y en a des vertes, des rouges, des jaunes, c’est super joli visuellement – mais l’idée de faire un graphique en tranches de tomates, qui nous paraissait évidente au premier abord, a été abandonnée face à la dure réalité des tranches ramollies par la chaleur. Au final, on a gardé les tomates entières et on a rapporté des brumisateurs pour mettre des gouttelettes. Ça a tout changé car ça rajoutait une sorte de relief, de 3D, on voyait mieux les volumes.

4. Ne vendez pas l'idée, mais montrez le résultat 🤩

Si vous venez expliquer à votre rédaction que vous allez découper du comté pour faire un graphique sur les exportations de fromage, il y a de forts risques que vos confrères vous regardent bizarrement. Alors je prône la tactique de : “On a une super idée, ne bougez pas, on revient dans deux heures.” Si vous le sentez, foncez, notamment sur des sujets avec un seul graphique et une forme d’évidence sur la matière à utiliser car, en deux heures, vous aurez quelque chose à montrer.

5. Travaillez en équipe avec des photographes 📸

La photoviz, ça permet de faire une sorte de featuring avec le service photo. Nous avons des services assez similaires, mais nous travaillons finalement rarement ensemble. Donc cette co-création est très stimulante. Pour la série d’été, nous avions organisé des “triplettes” : un éditeur du service infographie pour définir l’angle et chercher les données, un graphiste pour réaliser les graphiques, et un membre du service photo pour mettre en scène la prise de vue et faire les réglages du studio.”


Vous voulez du rab’ :

Thème(s)

Climat et environnement

Média

Politique

Société

Format(s)

Expérimental et R&D

Inclassable

Type(s) de viz

Bulles et points

Courbes et séries

Données illustrées

Histogrammes et barres

Inclassables

Treemaps et diagrammes de Voronoï

Source
Les Echos / Jules Grandin
ajouté le
3 septembre 2025
Langue
Français

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