🎞️ ”Visualizing Lubartworld” ou comment créer une expérience immersive au service du devoir de mémoire

Un projet au service de la recherche. Chez WeDoData, nous aimons mettre en lumière le travail des autres, surtout quand il repose sur des années de recherche. Nous n’avons donc pas hésité une seconde quand l’équipe du projet Lubartworld – porté par le CNRS et l’EHESS – nous a proposé de raconter le parcours des habitant·e·s de Lubartów, un village de Pologne, tout au long de ce XXᵉ siècle marqué par les guerres et ses traumatismes mondiaux. Il nous semblait important de mettre le meilleur de la narration de données et des technologies web au service d’une histoire qui résonne tristement avec notre époque, marquée par la montée des intolérances.

Extrait du chapitre 1 : il nous plonge au cœur de la population de Lubartów des années 1930 en mêlant cartographies, visualisations de réseaux de personnes et portrait statistique animé

Le “scrollytelling” pour valoriser le sens de l’histoire. Comment valoriser la masse de données issues de ce projet, compilées en différents fichiers de données brutes, qui retracent les parcours de plus de 4 200 individus ? La mise en place d’un “scrollytelling” cochait toutes les cases : immersion, fluidité, narration de données au fil de l’eau… Ce format permet au grand public de découvrir les résultats de recherche sans se sentir submergé par la quantité de données sous-jacentes. L’utilisateur·ice scrolle dans une succession d’événements historiques et d’histoires personnelles : comme un film ou une série, le scrollytelling propose un début et une fin. Mais surtout, chaque “scroll” déclenche une animation qui correspond à un moment de l’histoire : ce sont ainsi 92 momentums qui ont été scénarisés avec précision et main dans la main avec les chercheur·se·s.

Extrait du chapitre 2 : il raconte les différents déplacements de cette population avant et pendant la Seconde guerre mondiale

Une expérience structurée par 3 grandes bases. Pour l’expérience “Visualizing Lubartworld”, l’équipe a retenu :

• une description détaillée de chacun·e des habitant·e·s avec pas moins de 18 variables : le premier chapitre offre donc un portrait de la population de Lubartów au début des années 30.
• un inventaire précis et régulier (115 points de passage) des événements survenus sur place : le deuxième chapitre détaille les événements tragiques et les mouvements de populations dans ce village polonais confronté à la montée du fascisme.
• une base décrivant les lieux de 50 pays dans le monde où l’équipe de Lubartworld a identifié le passage de 1 200 familles issues de Lubartów : le troisième et dernier chapitre de l’expérience rend visible les trajectoires de ces juif·ve·s ayant quitté de gré ou de force Lubartów depuis 1892.

Proposition non retenue : pré maquette d’un diagramme de Sankey à scroller horizontalement

Des parcours de vie incarnés en points et sur un globe 3D. Un des défis majeur de ce projet était le suivant : comment représenter les statistiques d’une population décimée et celles d’une diaspora de survivants, en figurant à la fois l’ampleur de la tragédie et l’unicité de chaque destin ? Nous avons travaillé sur plusieurs pistes de dataviz. Parmi elles, un Sankey horizontal a un temps été envisagé, mais c’est finalement un nuage de points qui a été retenu. Plus flexible, compatible avec les deux premiers chapitres, cette représentation apporte en plus une une symbolique forte : cette myriade de points permet à chacun·e des 4 000 citoyen·ne·s juif·ve·s déporté·e·s, assassiné·e·s ou, plus rarement, rescapé·e·s, d’être symbolisé·e. Le dernier chapitre de l’expérience s’attache à montrer le devenir de celles et ceux qui ont pu échapper à un destin tragique. Face à des trajectoires qui rejoignent les quatre coins du monde, nous avons souhaité développer un globe terrestre en 3D qui permette aux internautes de découvrir tous ces arcs de migrations forcées. Benjamin, notre développeur-magicien, a déployé tout son talent pour que les centaines d’arcs se tracent de manière aussi fluide que possible, sur desktop comme sur mobile.

Extrait du chapitre 3 : un globe 3D permet de visualiser les flux migratoires de la population de Lubartów vers le reste du monde pendant le XXe siècle

De la grande histoire aux destins individuels. Mais ces datavisualisations ne restent que des abstractions statistiques tant qu’elles ne sont pas incarnées par des noms et des visages. Avec les chercheur·se·s, le souci de la personnification de l’expérience a été permanent : une sélection de trajectoires individuelles emblématiques est venue nourrir la grande histoire, relatée quant à elle par les graphiques. Un travail précis sur les connexions entre ces personnes a été réalisé : il vient s’incarner dans un graphique de réseau qui permet de mieux comprendre cette communauté juive de Lubartów qui était bien organisée, avec une synagogue, des associations professionnelles et de nombreuses œuvres de charité et organisations politiques. Des photos et des documents d’archive sont disséminés tout au long du parcours pour illustrer ces vies bouleversées et permettre aux deux échelles, micro et macro, de se répondre au cours du récit.

Rojza Goldfingier, un des personnages servant de fil rouge dans les trois chapitres du projet.

POUR ALLER ENCORE PLUS LOIN

• Découvrez le projet Lubartworld porté par une équipe interdisciplinaire et internationale autour de Claire Zalc, directrice de recherche au CNRS, et directrice d’études à l’EHESS.
• Retrouvez les coulisses détaillées de l’expérience web conçue par WeDoData avec l’équipe de chercheur·se·s.